Les Violences Sexuelles

Beaucoup de gens réduisent encore les violences sexuelles à quelque chose de forcément brutal, physique, visible, ce qui rend invisibles une grande partie des agressions. Voici pourquoi :

 

L’image collective de l’agression “classique”

Dans les films, les médias, les récits populaires, on représente souvent le viol ou l’agression sexuelle comme une scène ultra-violente :
    •    Un inconnu qui surgit dans un lieu sombre
    •    De la violence physique manifeste : coups, lutte, cris
    •    La victime qui se débat et qui porte des traces visibles (ecchymoses, blessures)

Ça crée dans l’imaginaire collectif une image stéréotypée du viol : quelque chose de “spectaculaire”, où la preuve est le corps marqué.

 

La méconnaissance de la sidération et de la dissociation

Peu de gens savent que la majorité des victimes de violences sexuelles ne crient pas, ne se débattent pas.
Le cerveau et le corps réagissent en se figeant (sidération), voire en se déconnectant (dissociation).
De l’extérieur, ça donne l’impression que la personne est “passive” ou “consentante”, ce qui est une incompréhension totale du fonctionnement du système nerveux en mode survie.

Pas de lutte = pas de violence physique visible, donc, dans l’esprit de beaucoup, ça ne peut pas être une “vraie” agression.
Et pourtant, c’est justement une stratégie de survie que de rester figée.

 

Le mythe du “vrai viol”

Dans la culture patriarcale, on ne considérait une agression sexuelle comme légitime que s’il y avait :
    •    Violence physique évidente
    •    Résistance active (crier, griffer, se débattre)

Sinon, la victime était soupçonnée de l’avoir voulu, d’être consentante, voire responsable.
On appelait même ça “le mythe du viol légitime”.
Aujourd’hui, malgré les avancées, ce mythe persiste : si la victime n’a pas lutté physiquement, il est difficile pour certains de croire qu’il y a eu contrainte.

 

Une difficulté à comprendre la violence psychique et systémique

Beaucoup de gens ne comprennent pas que les violences sexuelles peuvent :
    •    Se faire par manipulation (chantage, emprise)
    •    Par pression psychologique ou intimidation verbale
    •    Par abus de confiance, prise d’autorité (ex : un thérapeute, un professeur)

Ça peut aussi se passer dans le cadre du couple, ou avec une personne proche, ce qui ne cadre pas avec l’idée d’un “agresseur violent et inconnu”.
La violence est alors psychique, invisible, mais tout aussi destructrice.

 

Le refus de voir l’ampleur réelle des violences sexuelles

Reconnaître que :
    •    Les violences sexuelles peuvent être sans coups, sans cris
    •    Elles peuvent venir de personnes proches ou aimées
    •    Elles arrivent partout, tout le temps

C’est angoissant pour la société.
Donc, inconsciemment, certaines personnes préfèrent se rassurer en déniant ou en minimisant ce qui sort du schéma “violence physique brutale” :
    •    “Elle n’a pas dit non, donc il n’y a pas eu violence”
    •    “Elle n’a pas de marques, donc ce n’était pas si grave”
    •    “Ils étaient en couple, ça ne peut pas être un viol”

 

La justice a longtemps exigé des “preuves physiques”

Historiquement, les lois sur le viol parlaient de “violence”, “contrainte”, “menace” ou “surprise”.
Ça sous-entendait souvent qu’il fallait prouver des marques de lutte ou de contrainte.
Même si aujourd’hui la définition du consentement a évolué (heureusement), cette vision reste ancrée dans beaucoup d’esprits.

 

En résumé

Beaucoup associent encore violences sexuelles et violence physique parce que :
    •    C’est plus visible, plus facile à reconnaître
    •    Les gens ignorent le phénomène de sidération/dissociation
    •    La culture populaire a transmis cette vision erronée
    •    Ça permet de nier ou de minimiser des violences qui sont autrement difficiles à entendre

 

 

Mécanismes physiques et
neurobiologiques des traumatismes

Le traumatisme sexuel laisse une empreinte sur le corps. Ce n’est pas seulement un événement vécu mentalement, il est aussi inscrit dans la mémoire corporelle. C’est ce qu’on appelle parfois la mémoire traumatique corporelle. Même si la personne ne pense plus forcément à l’événement de manière consciente, son corps continue à en porter les traces : tensions, douleurs inexpliquées, blocages, fatigue chronique, troubles du sommeil, etc.

 

Le traumatisme n’est pas “dans la tête”. C’est une blessure neurologique, avec des conséquences biochimiques et structurelles réelles sur le cerveau et le corps.


    •    L'amygdale : la sentinelle du danger, elle est comme une alarme anti-intrusion ultra-sensible.
Elle détecte la menace et déclenche la réponse de stress.
         Si le danger semble “faisable”, elle va lancer le mode attaque (lutte) ou fuite.
         Si le danger est perçu comme inévitable ou inéluctable, elle court-circuite les autres systèmes et enclenche la sidération ou figement.


    •    L’hypothalamus agit en chef d’orchestre. Il déclenche la libération de cortisol (hormone du stress) et active le système nerveux sympathique pour augmenter vigilance, rythme cardiaque, tension musculaire (prêt à réagir).

Mais quand ça ne suffit pas, ou si l’organisme comprend que la lutte ou la fuite sont impossibles, l’hypothalamus passe la main au parasympathique (par le nerf vague dorsal) pour diminuer brutalement l’énergie.
C’est là que le figement s’installe : baisse du rythme cardiaque, ralentissement des fonctions corporelles, état de stupeur.


    •    Le tronc cérébral : la réponse reptilienne,  Il déconnecte le corps pour survivre (tronc cérébral / nerf vague)

Le tronc cérébral (la partie la plus primitive du cerveau) orchestre ce qu’on appelle la réponse d’immobilisation tonique.
C’est une stratégie de survie animale qu’on retrouve chez les proies dans la nature : 

        . Elles se figent,

        . Leur rythme cardiaque chute, 

        . Elles entrent parfois en état de pseudo-mort (thanatose) pour que le prédateur perde intérêt.

Chez l’humain, ce mécanisme est le même. Le nerf vague dorsal, qui part du tronc cérébral, s’active à fond :
        . Il ralentit le cœur
        . Engourdit les muscles
        . Peut provoquer une anesthésie émotionnelle et corporelle.

 

 •    Le cortex préfrontal : Il désactive la pensée rationnelle 

 

 •    L'hippocampe : Il ne peut pas traiter les souvenirs normalement.

 

Quand une personne vit un traumatisme extrême (comme une agression sexuelle), c’est le cerveau archaïque qui prend les commandes. C’est un mécanisme de protection automatique du cerveau et du corps face à un danger perçu comme vital.

 

Qu’est-ce que la dissociation ?

C’est un décrochage. Le cerveau, face à une menace intense qu’il ne peut ni fuir ni combattre, se déconnecte de la réalité ou de la conscience corporelle pour réduire la souffrance physique et émotionnelle.
Concrètement, la personne peut :

   •    Ne plus sentir son corps ou ses sensations
    •    Avoir l’impression de regarder la scène de l’extérieur, comme si elle n’était plus là
    •    Se sentir engourdie, anesthésiée, comme si tout était flou ou irréel
    •    Perdre la notion du temps ou avoir des trous de mémoire sur ce qui s’est passé
    •    Ne plus être capable de parler ou de réagir, même si elle en aurait envie (c’est la réponse de sidération)

Ce n’est pas un choix conscient, c’est le cerveau qui bascule en mode survie pour minimiser le traumatisme perçu comme potentiellement mortel.

 

Pourquoi ça arrive ?

Pendant une agression sexuelle, la personne est confrontée à un danger extrême, à la fois physique, émotionnel et psychique. Le cerveau perçoit ça comme une menace à l’intégrité vitale.
En temps normal, face au danger, on a trois grandes réponses instinctives :

    1.    Fuite (je pars en courant)
    2.    Lutte (je me défends)
    3.    Sidération / figement (je fige, je ne bouge plus)

Quand ni la fuite ni la lutte ne sont possibles (ce qui est souvent le cas lors d’une agression sexuelle), l’organisme passe en réponse de figement extrême, et là survient la dissociation.
C’est une déconnexion protectrice : le cerveau fait “comme si ce n’était pas à soi que ça arrivait”. Ça permet de réduire la douleur, de supporter l’insupportable, et parfois même d’éviter un risque plus grave si l’agresseur devient violent si la victime se débat.

Dans l’évolution, ce mécanisme de figement-dissociation a sauvé des millions d’êtres vivants de morts violentes.

 

Comment ça se manifeste ?

Les témoignages de personnes dissociées pendant une agression parlent souvent de :
    •    Flottement : comme si elles étaient ailleurs, parfois très loin
    •    Vision déformée ou comme si elles regardaient un film
    •    Impossibilité de bouger : paralysie totale, même si elles voudraient crier ou fuir
    •    Aucune sensation physique : comme anesthésiées, parfois aucune douleur ressentie sur le moment
    •    Aucune émotion immédiate : détachement, neutralité, absence de peur sur le moment (les émotions reviennent souvent plus tard)

 

Après coup : la dissociation peut continuer

Après une agression, certaines personnes restent en état de dissociation chronique :
    •    Difficultés à ressentir leur corps ou leurs émotions
    •    Impression d’être “vide”, “mort à l’intérieur”
    •    Sentiment d’irréalité, de déconnexion du monde ou des autres
    •    Amnésies sur des moments entiers de l’agression (ou même de leur vie quotidienne)

Ça peut être une façon pour l’esprit de se protéger du souvenir trop douloureux, mais ça complique parfois le processus de guérison. Certaines personnes ont du mal à reconnecter à leur corps ou à retrouver des émotions.
C’est pour ça qu’on parle souvent de thérapies de reconnection corporelle (comme l’ostéopathie, l’EMDR, la sophrologie, le yoga traumatique…).

 

La dissociation n’est pas un signe de faiblesse.

Beaucoup de personnes se reprochent d’avoir “rien fait”, de s’être laissées faire, ou de “pas avoir crié”. Mais ce n’est pas de leur faute.
Le cerveau a fait ce qu’il fallait pour survivre. Ce mécanisme est inscrit dans le système nerveux depuis la nuit des temps, c’est instinctif, animal, biologique.

 

 

 

L'Ostéopathie et Séquelles de Violences Sexuelles

Lorsqu’un traumatisme survient, surtout de nature sexuelle, le corps a tendance à se crisper. C’est une réponse naturelle de protection : contraction des muscles, surtout au niveau du bassin, du périnée, du ventre, du diaphragme et du dos.
Ces zones peuvent rester tendues longtemps après, sans que la personne en ait forcément conscience.

 

L’ostéopathie va travailler en douceur sur ces zones pour relâcher les tensions musculaires, ligamentaires et fasciales (les fascias sont des tissus qui enveloppent les muscles et organes, et qui gardent souvent en mémoire les traumatismes).
Quand ces tissus retrouvent de la mobilité, les douleurs peuvent diminuer, et le corps peut retrouver une sensation d’espace et de légèreté.

 

Après une agression, il est fréquent que la personne se déconnecte de son corps comme mécanisme de survie (dissociation).
Certaines personnes disent qu’elles ne “ressentent plus rien” ou qu’elles se sentent étrangères à leur propre corps.
Le toucher thérapeutique respectueux, attentif et non intrusif d’un.e ostéopathe permet, petit à petit, de reconstruire un lien de confiance avec soi-même.
L’idée, ce n’est pas de brusquer quoi que ce soit, mais de redonner la possibilité de sentir, d’habiter son corps de façon plus douce et sécurisante.

 

Le système nerveux autonome, qui régule nos réponses de stress (fuite, lutte, immobilisation), est souvent bloqué en mode hypervigilance chez les personnes qui ont subi des violences.
L’ostéopathie, par un travail crânien et les différentes structures du cerveau précédemment décrites (Hypothalamus, Hippocampe, Amygdales, cortex préfrontal, tronc cérébral, nerf vague), sur le diaphragme, le sacrum, ou encore sur les zones viscérales, aide à rééquilibrer le système nerveux parasympathique, celui qui permet la détente et la régénération.
Certaines techniques permettent littéralement au corps de sortir de l’état d’alerte permanente, favorisant un apaisement global ainsi qu'en travaillant sur la reconnexion des différentes structures cérébrales mises en cause dans le stres post traumatique.

 

Parfois, quand on travaille sur une zone du corps, des émotions refont surface : tristesse, colère, peur…
Cela peut surprendre, mais c’est naturel. Un.e ostéopathe formé.e et sensibilisé.e saura accueillir ça sans jugement, et aider la personne à traverser ce moment sans être débordée.
C’est pour ça qu’il est important d’aller voir quelqu’un qui connaît les spécificités du traumatisme sexuel.

 

Beaucoup de personnes qui ont subi des violences sexuelles développent des troubles fonctionnels :
    •    Douleurs pelviennes chroniques
    •    Endométriose ou troubles gynécologiques
    •    Troubles digestifs (syndrome de l’intestin irritable par exemple)
    •    Céphalées, migraines
    •    Problèmes de respiration (blocage du diaphragme)
L’ostéopathie est efficace pour réduire ces symptômes physiques, qui sont parfois en lien direct avec le vécu traumatique, mais qui peuvent persister même des années plus tard.